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Météo rétrospective
14 décembre 2007

Retard, du 12 XII 2004

Revu hier le film du fils de Louis Kahn, qui est un film troublant. D’abord parce que le prétexte d’une enquête sur son père y donne lieu à des commentaires à la fois généraux, renvoyant à des traits concrets de l’expérience personnelle — commune, me semble-t-il. Exemple ; cette remarque que la première femme de Kahn, Esther, n’a jamais divorcé, a été sa seule constance, la base de sa vie — elle était salariée d’un laboratoire pharmaceutique, stable… Ceci dénote certaine flottaison de la personne de Kahn. Les larmes viennent plus fortes à la deuxième vision, singulièrement au passage attendu. Ensuite, quelque chose inouïe dans la vie et l’œuvre de Kahn se passe dans la géographie : sa naissance en Europe avec tout ce que cela peut signifier de reculé (une île en Estonie vers 1901), l’émigration à 4 ans vers les États Unis, dans une formule qui trouve sa résolution à 47 ans lors de son premier séjour, adulte, en Europe, par un voyage à Rome, avec tout ce que cela représente de central. Ouvrant alors une période nouvelle ; celle de son œuvre propre et qui s’accomplit à son achèvement, coïncident avec sa vie, plus délai posthume, dans la construction des bâtiments en Inde et au Bengladesh — le parlement de Dakka particulièrement, avec sa mosquée insérée. Toutes choses qui produisent un diagramme fort, entre Estonie, Philadelphie (qui fut sa ville), Rome et Dakka. Parmi les remarques de Kahn dans les images d’archive reprises par le film, une, faite sur le chantier du musée Kimbel au Texas, est tout à fait jolie et porte sur l’admission d’une solution ou d’un matériau… quand un matériau est accepté, dit-il, dans une solution nouvelle et propre au contexte (la construction en jeu), alors on se sent devenir un architecte. Il ajoute au passage sur le fait de ne pas reproduire une solution existante, vue sur une construction antérieure. Il parle d’une chose sans exemple et ça me semble une belle définition de ce travail. Il y a d’autres bonne remarques ; celle où il explique qu’il faut interroger les matériaux : — Que veux-tu, brique ? — Je veux un arc. [La remarque a connu certain succès depuis.] Et une autre au musée Kimbel, à propos des œuvres d’art, concluant : …la nature ne saurait faire ce que l’homme fait. Un ressort discret a priori du film est aussi qu’au plan du récit, Nathaniel Kahn montre autant sinon plus comment il fait son film que comment il enquête sur son père. Comment ne pas penser au début de Journal intime, de Nani Moretti, et sa proposition de faire un film seulement avec des immeubles… Quand on pense qu’il y a des abrutis pour parler de documentaire ou de film sur l’architecture — cette sale dynastie des genres cinématographiques — on tremble à l’idée d’être cerné par ceux-là.
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