Lawrence Durell, Citrons acides (id. p. 70)
"Le printemps avec toutes ses promesses d'un été proche fut décevant. Un jour nous nous éveillâmes sous un ciel gonflé d'horribles festons de nuages noirs, et bientôt des rafales d'aiguilles d'argent tombaient comme des flèches sur les remparts du fort de Kyrenia.
Le tonnerre grondait et roulait, et la mer prenait des teintes de raisin noir sous les éclairs de magnésium qui nous venaient de la côte turque par chapelets entiers, comme une famille de dragons. Le carrelage des pièces devenait froid et humide, les gouttières débordaient et déversaient toute la journée une cascade d'eau de pluie dans la rue. À nos pieds la mer lançait d'énormes vagues à l'assaut du front de mer où quelques jours auparavant nous étions assis en short et en sandales, buvant du café ou de l'ouzo et faisant des projets pour l'été. C'était un changement troublant, car on pouvait sentir l'herbe se gonfler de sève sous les oliviers et les fleurs de printemps ouvrir leurs pétales délicats sur les pentes constellées d'anémones au-dessous de Clepini."